Chagrin dans le ciel de Lee Youn-Bok et Lee Hee-Jae, ed. Casterman (juin 2007)
Le graphisme époustouflant de ce manhwa m’a poussée à me jeter dessus. Le dessin est vraiment magnifique, stylé, personnel, rehaussé à l’aquarelle dans des camaïeux ocres-bruns, qui nous change du manga léché et académique des Japonais.
Il s’agit d’une adaptation graphique du livre du même nom, le journal intime de Youn-Bok, une sorte de Rémi sans famille autobiographique qui aurait ému toute la Corée. Il nous est donc présenté comme un ouvrage d’un phénomène énorme, mais il s’avère que ce manhwa est particulièrement mal adapté.
Le temps n’est pas pris pour installer le décor –la Corée du Sud des années 60– ni les personnages. Le livre est découpé en chapitres qui relatent une anecdote : comment Youn-Bok rencontre le professeur qui le rendra célèbre, comment il tente de vendre des chewing-gums dans les restaurants, etc. Les anecdotes sont elliptiques, on n’arrive pas à faire le lien des unes avec les autres, ni savoir si elles sont chronologiques. Résultat, on se fiche un peu du destin de ce garçon qui semble faire toujours la même chose (vendre des chewing-gums, garder des chèvres et ainsi de suite), et qui laisse donc une impression de déjà vu au fil des pages. On comprend bien sûr la détresse, le père malade, le garçonnet de 6 ans qui se débrouille pour faire manger la famille entière, mais on n’a pas le temps de s’attacher à ce petit garçon comme on peut le faire dans Gen d’ Hiroshima. Et le happy end arrive comme un cheveu sur la soupe, avec l’impression de ne rien avoir appris sur cette famille. Le journal de Youn-Bok est peut-être si célèbre en Corée qu’ils ont pu se permettre de s’attarder sur des détails ; mais pour quelqu’un qui n’est pas initié, c’est vite ennuyeux et pathétique.