Maus de Art Spiegelman (1978-1991)

Prix Pulitzer 1992

Une bande dessinée-fleuve : Lors de leurs conversations Art Spiegelman soutire à son père son histoire personnelle dans l’Histoire de l’Holocauste : de 1935 à 1945 Vladek raconte son parcours qui fut une éternelle fuite : d’abord les discriminations envers les Juifs, les ghettos, le marché noir, les cachettes improbables pour finalement arriver aux camps de concentration, et à la libération.

Ici les Juifs sont des souris, les Allemands des chats, les Polonais des cochons et les Américains des chiens. Au-delà de l’opposition sommaire du chat qui traque la souris sans relâche (même si c’est le cas), c’est un ingénieux moyen de traduire la classification simpliste du régime hitlérien et l’anonymat de ces figures envoyées à la mort. Cela permet également de traduire le masque que tout à chacun met, d’ailleurs lorsque les souris tentent de passer pour des Polonais, elles se mettent littéralement des masques de cochon.

Adapter un contenu aussi grave à un média tel que la bande dessinée est un pari réussi pour Spiegelman, qui mêle un graphisme simple et clair à une grande sincérité.

La proximité de ce récit très personnel est accentuée par le fait que nous assistons aux entrevues de ces deux générations et donc, à la narration du récit par le rescapé. Art est énervé par son père, a le sentiment d’être un incapable à ses yeux, et se sent coupable du trop lourd héritage à raconter. D’où ses interrogations sur la façon de représenter l’histoire de son père, qu’il juge peut-être trop ‘lourde’ pour une BD, la peur de tomber dans la caricature… (son père est pourtant un vieux juif radin !). Une réflexion sur la Shoah, sur les relations humaines mais aussi sur l’Art.

Plein de force, d’émotion, et narré avec sincérité, Maus est un classique de la littérature.

"Non ! Je n'irai pas dans leurs chambres à gaz !... Et mes enfants n'iront pas dans leurs chambres à gaz !"