Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Pâte d'Amande
Pâte d'Amande
Publicité
Archives
21 mars 2006

Quand Lolita Pille se prend pour Bret Easton Ellis…

Hell de Lolita Pille, éd. Grasset

hell1

Hell a 18 ans et vous méprise, ô peuple ignorant, pauvre et mal habillé. Sa vie n’est que shopping chez les grands couturiers et soirées avec les stars, alcool, coke, partouze. Blasée de tout, n’ayant plus rien à désirer, lucide sur son milieu, son quotidien plus monotone qu’excitant bascule lorsqu’elle rencontre son double masculin, Andrea.

Le roman emblématique des nappy (catégorie de jeunes parisiens, souvent ‘fils de’, qui ont le même mode de vie que Hell et qui le revendiquent !) a suscité bien des polémiques, alors qu’il n’y a pas lieu. Certes, il est toujours mal vu de décrire le mal-être des riches, il n’y a pas de quoi se plaindre quand on a pas de difficultés matérielles… Là n’est pas la question, nous pourrions avoir le même débat pour une quantité d’écrivains qui ont pour la plupart bâti leur œuvre là-dessus. (BE Ellis, J. Mc Inerney, Beigbeder…). Je trouve en tout cas assez incompréhensible de qualifier ce roman de ‘trash’, j’ai lu bien pire (son 2ème opus Bubble-Gum l’est déjà plus !) !

Le propos est plutôt shakespearien : deux jeunes qui s’aiment, ont tout pour vivre leur passion, mais sont trop prisonniers des codes de leur milieu pour se l’avouer. Finalement ici le milieu social n’est qu’une toile de fond pour mieux poser les questions relatives au passage de l’adolescence à l’âge adulte. Bien sûr la richesse ou ici la sur-richesse conditionne les personnages : de l’impossibilité de choisir quand on a  déjà tout,  quels objectifs se donner quand on semble avoir tout atteint, comment donner de l’amour quand nos parents ne nous ont donné que de l’argent… C’est en ce sens que les deux jeunes amants se détruisent mutuellement, ne sachant pas communiquer. Là où Lolita Pille voudrait faire du BE Ellis, elle s’en différencie : chez Bret, les personnages n’arrivent pas à exprimer leurs sentiments, non seulement envers les autres, mais aussi envers eux-mêmes, tellement l’alcool, la drogue, parfois la célébrité, leur trouble la perception des choses : ici malgré la quantité de drogue monstrueuse que prend Hell, il s’agit d’un dialogue intérieur, d’une lutte avec elle-même.

L’écriture est parfois maladroite, un peu ‘rédaction de 5ème’ sur les bords, la demoiselle se borne à citer des auteurs comme si elle voulait à tout prix prouver qu’elle est cultivée. Néanmoins on sent une rage d’écrire qui n’est pas sans rappeler le Bonjour tristesse de Françoise Sagan, qui elle aussi à son époque racontait l’histoire d’une jeune fille riche et rebelle.

Voici un extrait :

« Je déjeune avec mes parents dans une heure. Pourquoi moi, et pourquoi aujourd’hui ? (…)  tout faire pour avoir l’air présentable car déjeune quand même avec détenteur des cordons de la bourse et compte lui annoncer prolongation année sabbatique 2000-2001. (…)

Je commande une soupe de crevettes coco citronnelle puis j’explique à mon père que je ne compte décidément rien faire cette année, que le bac ça m’a crevée, que je me ferais virer de n’importe quelle école à cause de l’absentéisme, et qu’en fac je ne foutrais rien car il n’y aucun encadrement scolaire et trop de beaufs, que le système scolaire ne me convient en fait, et qu’il faut que j’expérimente ce que c’est que le néant de ne rien foutre pour avoir réellement envie d’activité, ce qui s’avérera bénéfique à long  terme et que rien, rien, ne me fera changer d’avis. »

Nous parlerons du film (hum…) prochainement.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité